Dans l’ancienne bergerie, Vyvien n’existait que pour l’âtre. Son regard, entièrement réservé aux flammes, ne connaissait rien d’autre. Tout ce qui était moins chaud, moins vivant que ce brasier, n’avait simplement pas de réalité pour lui. Les murs de pierre, le sol, l’espace autour disparaissaient. Seul comptait ce monde de feu, ces mouvements, ces vies qui dansaient dans l’âtre.
Dans l’errance de la contemplation, un dragon de flammes évoluait dans sa propre histoire, animé par les flammes, ses gestes inspirés par les braises sur le terreau de cendre.
Le dragon de feu sembla soudain conscient de la présence de Vyvien. Il ralentit, le fixa de ses yeux de braise, puis prit une décision.
Avec une grâce surprenante, il se détacha des flammes, ses contours de gaz conservant leur forme parfaite. Doucement, il tendit à Vyvien un bâton au bout braisé.
Vyvien eut l’envie irrésistible d’intervenir dans les bûches et de devenir le complice de l’histoire. Chaque mouvement de son bâton magique provoquait des ondulations dans les flammes, infléchissait légèrement la trajectoire du dragon, suggérait un détour dans le récit.
Mais les bûches en voulaient toujours plus. Quand Vyvien esquissait une direction, elles protestaient par des crépitements aigus, des à-coups brusques qui démentaient son intention. Le dragon lui-même semblait tantôt complice, tantôt rétif aux suggestions du garçon. Il apprit comment négocier avec chacune des bûches pour enrichir l’histoire et l’orienter dans le beau. Seules les pommes de pain campaient dans leur positionnement protestataire.
C’était une négociation constante, un dialogue fait de flammes, de silence et d’artifices, où Vyvien proposait et où le feu disposait. Il n’était ni le maître ni le simple spectateur, mais un orchestrateur fragile dont l’influence était toujours précaire, toujours renégociée à chaque instant par les éléments.